vendredi 20 octobre 2017

Déménageur teuton

Rouler en break V8 de 280 chevaux de 20 ans d’âge vert sapin, voilà qui n’est pas très politiquement correct. Votre serviteur sait ce que ça veut dire, il roulait en C43 AMG (V8 306 ch) il y a 5 ans. Arnaud, son récent et heureux propriétaire, n’en a cure. Contre une fraction du prix d’une Logan de base, il possède une brique « quatre phares » qui dépassait le demi-million de francs il y a 20 ans. Voilà probablement la seule E420 break 7 places « W210 » vendue en France. Avec deuxième banquette dos à la route donc. Pas grise, pas noire, mais vert « Amazone » qui plus est. Collector !






A force de voir, pulluler BMW série 5 Touring et autres Audi A6 Avant, on en oublierait presque que c’est Mercedes qui fut, en 1978, le premier constructeur premium à lancer un break. Naissait alors les 200-280 T, le T signifiant « Transport » ou « Tourisme ». Si les placides versions diesel (72 chevaux dans la 200 TD !) n’amusaient pas la galerie, la 280 TE garnie d’un six en ligne de 185 chevaux était « donnée » pour 200 km/h. La France ne pouvait comme à l’habitude pas s’aligner, les breaks R18 Turbo, 505 ou CX culminant si l’on peut dire à 138 chevaux pour la dernière citée…



La W124 succède aux indestructibles 123 en 1985, et le break sort deux ans plus tard. Point encore de V8 sur cette génération mais tout de même 220 chevaux dans la 300 TE-24 puis la E320 qui lui succède. De beaux bébés d’1,7 tonne capables de pointes à 220 km/h tout en embarquant la famiglia avec armes et bagages. Ce furent Brabus et AMG qui osèrent les premiers monter des V8 de Classe S sur des berlines W124, l’usine franchissant le pas avec la mythique 500 E au Salon de Paris 1990. Coté breaks, Stuttgart laissait la main aux copains bavarois qui avaient déjà dégainés leurs breaks V8 dès 1994 avec les M5 Touring et S puis RS6 Avant.




  

L’étoile se devait de réagir et ce fut fait avec la nouvelle Classe E « quatre yeux » lancée fin 1995. Le break fut présenté au Salon de Genève en mars de l’année suivante et c’est donc le top de la gamme qui nous intéresse ici. Pas plus long que la berline, il mesure 4,81 mètres de long et 1,85 de large. Il accuse près d’1,8 tonne sur la Roberval et son V8 de 4,2 litres et 24 soupapes lui confère la noble puissance de 279 équidés. C’est 55 de plus que la déjà pas lymphatique E320. Je ne me lasserai jamais de cette course à l’armement d’Outre-Rhin !

Déménageuse devant comme derrière

Un petit galop d’essais du coté de Montigny-le-Bretonneux nous le confirme : ce break déménage ! Facile comme jeu de mot mais tellement vrai. Rien de bien extraordinaire au démarrage ou à allure modérée : le feulement du V8 se fait à peine entendre tant la bête est bien insonorisée. La suspension sport, de série sur cette finition Avantgarde, reste suffisamment prévenante pour les vertèbres. On n’est pas dans un CLA shooting break 43 AMG moderne certes mais raide comme un parpaing ! Une fois ravitaillés en Château Octane millésime 98, retour au QG non sans une délectable petite pointe sur voie rapide. Le break se transforme en GT avec une poussé linéaire mais très franche. On est sur des rails et les suspensions assurent. Ce côté « indestructible » voire coupés du monde – insonorisation superbe –est digne d’une Classe S « panzer » W140…

 Car aucun signe extérieur de sportivité ne trahit le potentiel mécanique. Peinture vert foncé, jantes Avantgarde : tout « 420 » qu’elle soit, elle pourrait tout à fait être une E200 break de même finition.    

 



 














Amazongrün (vert amazone), couleur de la E420 d'Arnaud et des photos de presse d'époque !

« Chic mais pas guindée ! »

Ainsi commence la déclaration d’amour de l’ami Arnaud à son déménageur. «La W210 m’a toujours plu. Une vraie Mercedes de notaire de province ! Ligne fluide, bien plus moderne que la W124 à l’extérieur, mais tellement proche avec son intérieur noir et géométrique, aux matériaux imputrescibles. » L’équipement base déjà généreux est enrichi entre autres d’un toit ouvrant vitré, de sièges gonflants électriques à mémoire, d’un volant réglable en hauteur et profondeur (électriquement aussi, de même que les appuie-tête…)… Le degré de confort est incroyable surtout pour l’époque… Coté salle des machines, c’est le fameux M119 4,2 l qui officie: 279 chevaux et surtout 400 Nm de couple.  « Greffez lui deux turbos et vous avez gagnez le Mans dans une Sauber C9 » ajoute à juste titre Arnaud. Ses bielles forgées alliées aux 32 soupapes et 4 arbres à came en tête propulsent le bahut – 1,8 tonne à vide - sans jamais faiblir jusqu’aux 250 km/h règlementaires. Envie de faire la nique aux SUC (Sport Utility Coups, si, si les marketeurs nous font aussi avaler cette appellation, voir les X6 et consorts) et autres SUV mazoutés ou TCisés ? Le « 1 KM DA » est abattu en un peu plus de 27 secondes.  Le tout dans un doux ronronnement feutré. D’autant que le paquebot se comporte plutôt bien : le châssis sport aide à contenir les mouvements de caisse et l’auto est saine à placer. Seul hic : le freinage avoue rapidement ses limites. 

Pour faire un lien avec la thématique « gas guzzlers » qui revient de temps en temps sur ce blog  (voir duel 604 vs Rolls),  la conclusion d’Arnaud est poétique : « Mon beau-père n’est pas pompiste et je consomme bien plus qu’un 4 cylindres Diesel plus moderne.  Et alors ? Ne l’utilisant que depuis une semaine je table sur 12 litres en conduite douce. Mais c’est sans regrets. Si je veux changer de consommation et d’ambiance, j’ai juste à ressortir  la 2 CV ! ». Na !









vendredi 6 octobre 2017

Délires créatifs

L'AMG Performance Studio est l'antre des projets de personnalisation les plus fous et souvent méconnus des gars d'Affalterbach. Si le catalogue officiel propose nombre d'options badgées "AMG Performance Studio" (freinage renforcé, habillages spécifiques etc.) contre de beaux chèques à 4 ou 5 chiffres, les "Unikat" ou projets uniques dans la langue de Goethe sont légion. Pour quelques (dizaines de milliers) de (pétro)dollars de plus... Attention, ça pique parfois les yeux mais les gouts et les couleurs. Du moment que le client paie et que ça ne met pas la sécurité en danger, tout ou presque est possible. Par ici la visite !


















vendredi 5 mai 2017

3e Festival Etoiles Passion - Rooftop Stars



Seul magazine consacré aux Mercedes anciennes ou récentes, Etoiles Passion a été lancé il y a bientôt dix ans. Racheté en 2014 par Cape Éditions (Ferdinand, Grand Prix, etc.), le titre peut s’enorgueillir d’avoir augmenté ses ventes de 6% l’an passé. La presse auto papier n’est donc pas (encore ?) totalement condamnée par la toile et certains blogs comme Boitier Rouge nous annoncent régulièrement vouloir lancer une version papier. Info ou intox ? Pour revenir à Etoiles Passion, Pascal Dro, son rédacteur en chef, organise depuis trois ans un grand rassemblement dédié aux Mercedes d’hier et d’avant-hier. Le 29 avril dernier, c’est sur le « rooftop » - on ne dit plus toit sinon ça fait pas chébran ! – du garage Mannes, à Ivry-sur-Seine (94), que le grand raout faisait sa pause déjeuner. YOUNGBENZ y était.

La suspension pneumatique de mon 500 SL « R230 » de 2001 me faisant des misères depuis une semaine, c’est avec la 230 SL « Pagode » 1965 d’une de mes connaissances, elle aussi piquousée à l’étoile, que nous attaquons les rampes du garage Mannes pour rejoindre le septième ciel. Après des boucles à n’en plus finir dignes de la montée du parking de Michael Caine dans Get Carter (1971), notre beau cabriolet vert sapin arrive enfin sur le rooftop. Il est 13 h et une vingtaine de Mercedes se dorent déjà la pilule. Le grand beau est au rendez-vous alors qu’il versait la veille et que le lendemain sera calamiteux. Les dieux Gottlieb et Karl veillent sur nous ! Le reste des 75 autos inscrites à cette édition 2017 va arriver au compte goute.

Prendre de la hauteur


Pascal Dro me prévient tout de suite : « tu verras, la côte de bœuf est extraordinaire ! ». Le barbecue qui nous attend ne fera pas mentir notre hôte du jour : le « rôtisseur » en chef n’est autre que Michel Beltoise, frère du regretté Jean-Pierre. Une machine à écrire… Mercedes d’avant-guerre trône sur le bar. Quel plaisir de déambuler devant les caisses rutilantes de ces jeunes et vieilles gloires, un verre de champagne (d’un domaine de derrière les fagots déniché par Pascal) à la main. Nous sommes à cinquante mètres au dessus du sol et la vue sur Paris est à tomber – attention quand même aux parapets, pas bien hauts… - et les deux énormes cheminées de l’usine d’incinération voisine parachèvent une ambiance des plus surréalistes. Nous ne serons nullement incommodés par l’odeur des impressionnantes fumeroles. Pour le bruit, la bande son est assurée par le feulement des Mercedes arrivant à bon port. Ici un six en ligne, là un V8, puis un roturier quatre pattes de 200 « W123 ». Un seul V12 est se sortie, animant une 600 SL coupé-cabriolet de 2002 qui remportera la catégorie Youngtimers au concours d'élégance. Grâce, entre autres, à ses jantes refaites entièrement à neuf par un spécialiste déniché au Portugal, patrie d’origine de son heureux propriétaire.

Festival d’anecdotes


Bon, on n’est quand même pas venu pour beurrer les sandwichs et profitons-en donc pour causer bagnole. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Ou presque, les frais d’inscription éloignant les propriétaires impécunieux et leurs Mercedes « État qu’on sort »… D’une banale Mercedes 200 carbu vert pastel de 1980 à une 600 AM67 bleue métal « cachée en Allemagne durant 40 ans » - dixit la fiche de présentation -, en passant par moult coupés et cabriolets du « miracle économique allemand » (merci le plan Marshall quand même !), l'aréopage impressionne. Nous engageons une conversation à bâtons rompus avec David, propriétaire d'un coupé 280 SLC gris.
« Je l'ai choisi pour ses 4 places et ses ceintures – pratique avec les enfants - et bien sûr pour son look (feux anti-salissure, etc.) et sa qualité exceptionnelle restée inégalée chez Mercedes. Ce modèle est quatre fois plus rare que le roadster « R107 », j'aime cette rareté. D'ailleurs, on me propose souvent de me le racheter dans la rue ! » (David, 280 SLC).


A g.: la Pagode verte de Gautier, à d. la 280 SLC de David.
Et que dire de l’alignement au cordeau des nombreuses « W124 » présentes, dépêchées par l’amicale éponyme (rarissime cabrio E36 AMG, 500 E, break 300 TD, seule mazoute de tout le rassemblement, etc.) ? Certains proprios affichent le pedigree de leur belle derrière le pare-brise. Aux dires de son maître, une des deux 500 E présentes, une silbergrau (gris métal), est la préférée des 86 autos qu’il a possédées. A égalité tout de même avec une autre « Stuttgartienne », j’ai nommé la Porsche 928 S4. Au début des années 90, les deux marteaux pilons teutons étaient vendus 550 000 francs. Cette somme rondelette s'explique en partie par les moult aller-retours entre les deux constructeurs basés aux extrémités de Stuttgart: la Benz était assemblée chez Porsche puis repartait chez Mercedes pour y être peinte avant de revenir chez Porsche pour le montage. Mercedes faisait l'inspection finale avant de la confier à son réseau pour la vente. Seulement 8 véhicules étaient ainsi fabriqués par jour. Non loin, une interminable limousine « W124 » 260 E six portes de 1988 toise son monde avec ses drapeaux tricolores. L'auto idéale pour chauffer quelque dignitaire africain en visite à la Chancellerie. Ou aussi Raymond Barre venu donner des gages au gros Helmut ? Souvenez-vous : il fallait compter sur le rival poids lourd de Chirac à la présidentielle de 1988. L’autocollant « Je vote Barre au 1er tour » fixé au bas du pare-brise de la limousine noire métal nous fait hurler de rire ! Car comme nous le confie Pascal Dro, « au Festival Étoiles Passion, on ne se la joue pas snob. Juste une rencontre entre passionnés avec des véhicules de belle tenue autour de découvertes de lieux méconnus de l’histoire automobile parisienne. »

Fans de sixties à nineties



Blue attitude pour le coupé W111 d'Hervé.
On ne peut que succomber à la vue de la croupe rebondie de ce resplendissant coupé 280 E bleu métal de 1967. Hervé, son propriétaire depuis 2006, bosse pour l’étoile depuis 29 ans. « Ça intoxique », nous dit-il, l’œil goguenard. Il poursuit:
« Idéal pour les balades en famille, ce coupé est selon moi le plus réussi des dessins de Paul Bracq [NdR: qui signe l'affiche du Festival ! ] et dispose d'une mécanique simple pour bricoler en toute autonomie. 350 heures ont déjà été consacrées à la réfection de la mécanique et de l'habitacle, à l'exception des cuirs, dont je souhaite conserver la patine d'origine... ». (Hervé, coupé W111).

Une fois la côte de bœuf savourée, nous poursuivons notre tour des propriétaires. Nous tombons sur un fringant et volubile quadra en costume et chapeau noir. Notre homme n'est autre que Damien, « gourou » du bien connu forum « Mercedes-Damien » et propriétaire d'un impressionnant coupé CL 55 AMG schwarzmetall à compresseur (367 chevaux), qu'il évalue à 28 000 euros. Ambiance Darth Vador garantie ! « Impensable aujourd'hui: les seuils et la tranche des portes sont en inox véritable et les fauteuils cuir à larges bandes sont spécifiques AMG. » se vante-t-il. Fin connaisseur du réseau Mercedes, notre passionné estime que « ce bloc 5,5 litres compressé est aux dires des chefs d’atelier plus fiable que le « 6,3 » 100% AMG, plus spécifique, qui l’a remplacé à partir de 2006. » Je m'imaginais grand spécialiste d’AMG devant l’éternel, je suis mouché !

Raymond Barre, Président !

Le périple a commencé par un petit déjeuner au vaisseau amiral de Mercedes en France, le bien nommé « Mercedes-Benz Center » de Rueil-Malmaison (92), où étaient exposées quelques-unes des vieilles gloires de la filiale française. Pas leurs anciens PDGs (!) mais une 560 SEL, une 300 SL papillon et une 600 (quasi) immaculées. Les équipages ont ensuite mis le cap sur Paris pour découvrir quelques lieux méconnus liés à l'automobile. Dont la découverte en plein XVIe d'une soufflerie fondée en 1909 par Gustave Eiffel et qui servira à de nombreux tests aérodynamiques pour, par exemple, la Renault Etoile Filante (qui battit en 1956 le record du monde de vitesse sur le lac salé de Bonneville dans l'Utah) ou l’Audi 100 au début des années 80. De quoi laisser d’impérissables souvenirs à nos grands gamins âges de 45 ans en moyenne. La découverte du Garage de l'Ile Saint-Louis (Groupe Mannes), un lieu très vintage redécoré par Bosch Classic, partenaire du Festival, n’en sera pas moins palpitante. Toutes les autos et leurs équipages y seront immortalisés pour une photo souvenir. Tout ce beau monde se retrouvera donc au fameux rooftop d’Ivry pour le déjeuner. A l'issue duquel les résultats des élections seront proclamés. Original: les participants, répartis par groupe (youngtimers, Classiques, etc.) jugeront les autos d'un autre groupe. Pas d' « ultra favorite » donc. Ce n'est pas la 260 E limo « Raymond Barre » qui sera élue mais la 600 SL bleu topaze de 2002 évoquée en début d'article, remportant la catégorie youngtimers. Et c'est un coupé Ponton bordeaux/crème qui empochera le Prix spécial du Jury.

Un grand merci à Pascal Dro pour la qualité et la densité de ce Festival. Si vous êtes fans de Mercedes et désirez coller vos amis à votre prochaine soirée bagnoles, abonnez vous illico, ça revient à 5 centimes par jour !